Prologue

 An 2060.

 L’humanité a fait des pas de géant dans son développement industriel, mais les conséquences de ces avancées sont lourdes et c’est un véritable ravage écologique qui menace désormais l’équilibre de la Terre. Car contrairement à ce qu’ils croient, les hommes ne sont pas au top de la chaîne alimentaire…

Non, en parallèle, la Nature a mixé les spécificités des humains avec celles de certaines espèces animales pour donner, il y a bien longtemps, le jour aux Métamorphes.

Cette espèce possède deux formes, l’une humaine et l’autre animale. Son rôle est d’entretenir la Terre et de préserver l’équilibre de ses ressources. Certains purifient l’eau, d’autres l’air, et d’autres encore enrichissent les sols. Tous les animaux ne sont pas représentés parmi eux mais chaque grande famille a été concernée. Prédateurs et proies. Les Métamorphes ont toujours vécu cachés dans les espaces sauvages, et n’étaient que de vagues légendes plus ou moins connues des hommes. Mais l’avancée des villes sur les territoires jusque-là préservés de l’activité humaine, les a poussés à finalement se faire connaître au grand jour.

Et le chaos s’est répandu sur la surface du globe en une explosion de violence sans précédent ! Chacun des deux camps luttant pour asseoir sa suprématie sur l’autre dans des affrontements sanglants. Jusqu’à ce que les populations, exsangues au bout de trente années de combats incessants, s’accordent sur une répartition géographique pour chacun, avec des règles de gestion strictes. Les humains se regroupèrent dans les grandes villes déjà établies tandis que les Métamorphes se réservaient les espaces plus sauvages. Les tensions ont été fortes concernant les campagnes agricoles et une clause de direction commune a été spécifiquement mise en place pour ces zones-là, car elles étaient les principales sources d’alimentation des hommes. Aucune espèce n’avait le droit de s’établir dans un endroit qui n’était pas dirigé par sa communauté et chacun préservait ses productions à son seul profit.

L’Accord Gaïa fut finalement, et souvent à contrecœur, signé par tous les pays cette année-là pour établir la cohabitation de la planète par différentes espèces dirigeantes.

La paix revint ainsi officiellement sur les continents… mais rien ne dure éternellement…

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 Quatre-vingt-dix ans plus tard – An 2150 – Felisha – Californie.

Je flotte, enfin, je crois… Le chaos, la peur, la douleur, tout s’est enfin arrêté ! De mon point de vue aérien, j’observe les ambulanciers s’activer frénétiquement sur une jeune femme dont le bas du corps n’est plus qu’un amas de chairs indistinct et sanguinolent… Je reconnais pourtant mon visage, figé sur un cri silencieux d’horreur et de choc mêlés…

C’est donc cela la mort ?

Me détournant de cette scène macabre, je suis attirée par les étoiles que je vois briller au loin, par-delà l’orée de la forêt où je suis en train de rendre mon dernier soupir. Elles forment une image sur la toile céleste… comme un lion ? Elles se mettent à luire de plus en plus intensément et semblent m’appeler… J’essaie alors de rejoindre cette constellation, mais quand je l’approche, je réintègre brutalement mon corps en entendant un cri, non, un rugissement ! La violence de ce son n’a d’égal que la souffrance dans laquelle je me noie en tentant de prendre une inspiration laborieuse.

« Elle est revenue ! Il faut bouger maintenant ou on va la perdre à nouveau ! Mademoiselle, accrochez-vous et restez avec moi ! »

Je veux dire à cette voix de me laisser tranquille, mais je suis comme paralysée dans cet océan de douleur. Aucun son ne sort. Même respirer est une agonie et je me retrouve aux urgences où j’accueille la morphine comme une bénédiction en me laissant immerger par une vague noire d’oubli.

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 Au même moment – An 2150 – Cedrik – Oregon.

Plein de rage, mon Lion sent la connexion avec mes parents se rompre brutalement ! Cette déchirure est une douleur aussi intense que brève, mais elle me coupe le souffle ! Ma Bête ne veut pas fuir et m’empresse sauvagement de retourner au combat. Sa nature profonde ne comprend pas que je ne sois pas auprès de ma famille pour les défendre. Mais je la muselle de toute la force de ma volonté ! Je dois vivre ! Pour mieux les venger ! Et non pas mourir avec eux !

« Sauve-toi sans te retourner ! Ton père et moi allons occuper nos assaillants pour que tu puisses te faufiler à travers les lignes ennemies. Mon fils, ton destin est de restaurer l’équilibre de ce monde qui se perd ! Laisse ton Lion prendre le contrôle pour te guider à ton étoile, car c’est elle, la clef de notre avenir à tous ! »

Les dernières paroles de ma mère sont plus qu’obscures pour moi mais je les répète encore et encore tout le long de ma course, comme un mantra. C’est la seule chose qui me permette de tenir face au chagrin qui me submerge. Sous ma forme léonine, bien que le cœur lourd, je cours sans relâche aussi vite que je le peux pour atteindre mon objectif.

Le Refuge est enfin en vue ! Arrivé à l’entrée du village, je saute sur le rocher qui jaillit de la montagne et permet d’avoir une vue surplombant Portland. Là, je libère enfin toutes mes émotions dans un violent rugissement qui alerte tous les Métamorphes alentour !

Tout à ma colère et ma souffrance, je ne prête pas attention à la lueur qui flotte devant mes yeux en venant dans ma direction… et disparaît aussi vite qu’elle est apparue.

Car je suis désormais le dernier des Lions, le seul de mon espèce, et pourtant futur Alpha du Clan de Columbia.

  

Chapitre 1

 An 2160 – Portland.

Blog Chatty - Billet du jour 21/03 - 10 h 00

 Bonjour à tous,

Dans trois mois nous devrions fêter le Centenaire de l’Accord Gaïa qui a établi les règles de cohabitation entre les humains et les Métamorphes. Cela devrait être une ode à la Nature et à la collaboration interespèces, mais l’ambiance entre les différents gouvernements sur le sol américain n’est vraiment pas au beau fixe…

Aurons-nous une vraie célébration le 21 juin prochain ?

Rien n’est moins sûr…

Les négociations portant sur les délimitations de territoires des Métamorphes ne semblent pas aboutir. Rappelons que sur les trois dernières années, une trentaine de clans ont abandonné leurs terres pour s’installer ailleurs et ont, de ce fait, redessiné les partages géographiques entre nous et les animaux. Migrations qui ont entraîné pas mal de heurts entre les clans nouvellement installés et les humains déjà sur place. Particulièrement en Californie où les tensions sont de plus en plus palpables.

Rien d’étonnant du coup, à ce que l’émissaire Métamorphe soit à nouveau sorti bredouille de la réunion avec les gouverneurs des États, ce lundi à Los Angeles. Pire, il a perdu le contrôle de sa Bête et a dû être mis en joue par la police, le temps d’évacuer nos élus pour les mettre à l’abri de la sauvagerie du Loup.

La prochaine session n’aura pas lieu avant une dizaine de jours afin de laisser retomber les émotions de part et d’autre. Cependant, le gouverneur de Californie n’a pas manqué d’exprimer son indignation et en appelle au Président pour demander une révision des clauses de l’Accord Gaïa. Il est vrai qu’avec cet incident, on ne peut pas lui donner tort lorsqu’il clame « que les hommes n’ont pas à négocier avec des animaux incontrôlables et dangereux pour nous ».

Pensez-vous qu’il faille continuer d’accepter ces mouvements migratoires ? Croyez-vous aux arguments avancés par les Métamorphes concernant la pollution de leurs terres par l’activité humaine ? Justifiant ainsi les rotations de territoires comme le permet l’Accord Gaïa. Soutenez-vous le gouverneur de Californie dans sa démarche ?

Comme d’habitude, partagez vos opinions sur le blog !

Psst, ce soir doit avoir lieu la nomination de l’Alpha-King alors que cela fait des décennies que le dernier est mort… Pourquoi le remplacer aujourd’hui seulement ? Restez connectés pour découvrir le portrait de celui qui dirigera les Métamorphes pour les années à venir !

Signé : O.S. (Omnia Scire[1])                                                        

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Commentaires du post :

 *Marek272 – il y a 30 minutes.
Franchement, ils sont gonflés ces Métamorphes ! Sous prétexte qu’ils ne veulent plus rester sur leurs terres, ils choisissent nos forêts que nous devons leur donner sans rien dire. Parce que c’est eux qui décident où ils veulent aller. Et après ils nous en interdisent ensuite l’accès. C’est injuste et injustifié ! Ils nous volent et on devrait les laisser faire ?! Le gouverneur de Californie a tout à fait raison, nous ne devons plus nous soumettre à des règlementations obsolètes dont ces animaux abusent tous les jours un peu plus ! Pourquoi ils auraient plus de droits que nous ? Parce qu’à l’inverse, nous ne pouvons pas décider de quitter une ville pour s’installer en territoire Métamorphes.

 *Gouramo – il y a 27 minutes.
Quand les Métamorphes quittent un territoire pour en investir un autre, leurs anciennes terres reviennent aux humains. Donc les zones ne sont pas volées mais échangées et le partage reste équitable. Ils ont autant d’espace qu’avant, pas plus pas moins, tout comme nous.

 *Fancky – il y a 23 minutes.
S’ils quittent leurs terres, c’est sous le prétexte que celles-ci sont soi-disant polluées ! Donc ils s’installent ailleurs et l’échange n’est pas équitable ! Pourquoi devrions-nous récupérer leurs déchets ? Les humains ne sont pas des poubelles !

 *Carly120 – il y a 21 minutes.
Les terres Métamorphes sont polluées par l’activité humaine : vous refusez de reconnaître votre impact négatif sur la nature et les désastres écologiques que vous engendrez. Ce n’est que justice que vous viviez sur les terrains que vous détruisez ! Commençons par prendre soin de notre environnement au lieu de rejeter la faute sur d’autres…

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 Cedrik – Alpha du Clan de Columbia

Crack ! Je suis tellement énervé que je viens de frapper le mur à côté de mon bureau en faisant sauter un bon morceau de plâtre.

— Tu sais que Carlos a menacé de se mettre en grève la dernière fois qu’il a dû refaire la cloison de cette pièce ? m’interpelle Malcom d’un ton placide du fond de son fauteuil en cuir.

— C’est sûr que c’est plutôt cet O.S. que je voudrais coller contre ce mur ! m’écrié-je d’un ton exaspéré en faisant les cent pas dans mon bureau.

— Cedrik, répond-il en levant les yeux au ciel, personne ne sait qui est ce journaliste et pourtant, chaque clan Métamorphe de ce continent a essayé de percer ce mystère depuis cinq ans qu’il sévit maintenant… Ça rend chaque Alpha complètement dingue et bien que cela ne fasse que quelques jours, apparemment cette folie t’a touché également…

— Mais pourquoi ce type s’acharne-t-il à publier ce qu’il y a de pire pour nos clans ? m’énervé-je en faisant voleter un autre nuage de poussière.

— Le scandale et la polémique font vendre, répond-il avec un haussement d’épaules. Au départ, c’était pour dénoncer ceux d’entre nous qui vivaient cachés parmi les humains. La démarche, bien que je n’adhère pas à la délation, est compréhensible et a suscité un énorme intérêt de la part des populations concernées. Puis, bien que cela soit destiné aux humains pour les informer sur nos vies, beaucoup d’entre nous font également partie du lectorat. LA PREUVE puisque tu suis aussi ce blog. Les potins sont souvent croustillants, avouons-le…

— Mais moi, c’est juste par intérêt professionnel ! Pour prendre le pouls de la population… Mais ce pseudo journaliste est de parti pris et ne poste que des propos pour alimenter la discorde entre nos peuples ! En plus, il commence depuis quelque temps à vouloir se mêler de politique, mais ce qu’il raconte n’est en rien un rapport d’informations digne de ce nom !

— Les négociations liées à l’Accord Gaïa sont importantes et ont un impact pour tous sur les quatre prochaines années, soupire-t-il exaspéré aussi bien par le sujet que par mes gesticulations. Nous sommes dans notre bon droit mais les humains ont de plus en plus de mal à l’accepter…

— Cette rencontre avec les gouverneurs était secrète et à huis clos ! reprends-je en me concentrant sur l’essentiel. Comment cet O.S. a-t-il bien pu le savoir ? Et surtout, comment s’est-il procuré ces photos de notre émissaire à moitié transformé ? Cela nous fait passer pour des monstres !

— Il ne nous fait clairement pas bonne presse mais malheureusement, il reflète aussi l’opinion publique, il faut bien le reconnaître…

Même si je comprends le fatalisme de mon Bêta, je ne peux m’empêcher de vouloir égorger ce parasite humain qui ne fait qu’exacerber les dissensions avec ses articles racoleurs.

Malgré l’entente trouvée par nos ancêtres il y a près d’un siècle, les peurs et les rancœurs dans chaque camp ont créé un schisme profond entre humains et Métamorphes. Lorsque les hommes ont appris l’existence d’autres espèces par « L’Annonce », leur réaction a été aussi primaire que celle de nos Bêtes. Ils nous ont chassés en nous abattant à vue sans sommation et en nous assimilant à des animaux sauvages pour justifier leur conduite. De l’autre côté, des Métamorphes ont massacré des familles entières en décrétant que nous étions supérieurs aux humains et n’avions pas à les tolérer sur nos terres. Plutôt que de s’appuyer sur ce qu’ils avaient en commun, tous se sont acharnés à mettre en avant leurs différences.

Mais derrière la peur et les concepts philosophiques de tout poil, c’est malheureusement l’individualisme et l’égoïsme de chacun qui ont parlé : MA terre, MON espèce, MA vérité, et surtout, MON intérêt… La guerre des territoires a duré pendant trois décennies avant que nos leaders respectifs trouvent enfin un accord afin d’éviter une annihilation totale des deux côtés. Malgré tout, la cohabitation n’est jamais facile car les humains se sont attribué les grandes villes et les Métamorphes, eux, les espaces naturels plus sauvages. Les terres agricoles ont fait l’objet d’âpres négociations compte tenu de l’enjeu, et la répartition reste critiquée encore maintenant dans les deux camps.

Parce qu’au fil du temps, la surpopulation humaine pousse les promoteurs à vouloir investir les terrains encore non construits pour expandre les zones urbaines et donc, à reprendre les terres fertiles pour nourrir cet accroissement incontrôlé. Ce à quoi les Métamorphes s’opposent comme le leur permet l’Accord Gaïa, ce qui engendre la grogne de plus en plus forte côté humains. Tout particulièrement depuis ces trois dernières années avec notamment ce gouverneur de la Californie en porte-parole.

Nous régulons notre nombre et notre impact sur la nature en veillant à ne pas surexploiter nos ressources, il n’y a donc pour nous, aucune raison que les autres n’en fassent pas autant. Mais ces derniers ne veulent pas en entendre parler. Leur raisonnement ? Pourquoi changer de comportement alors qu’il suffit de s’installer ailleurs quand l’eau est souillée, l’air irrespirable ou la densité trop forte ? La désinvolture néfaste avec laquelle les hommes se comportent vis-à-vis de la planète est incompréhensible pour nous, mais nous les laissions gérer tant que cela ne nous impactait pas.

Mais ce fonctionnement irresponsable au fil du temps engendre désormais des répercussions sur nous quand la pollution en vient à rendre malades nos petits. La nature est un tout et le poison déversé par les usines ne se cantonne malheureusement pas aux réseaux des grosses villes. Il s’infiltre dans les sols ou dans l’air et circule ainsi jusque dans nos contrées. Ce qui pousse en désespoir de cause des clans à s’installer ailleurs bien malgré eux. La situation est de plus en plus explosive et il nous faut absolument trouver une solution avant que la guerre n’éclate à nouveau, attisée par la colère et la frustration qui montent de chaque côté.

La trêve existante est donc, au mieux fragile, quand elle n’est pas illusoire voire risquant de se rompre à tout moment…

— Malcom, il est impossible que cet O.S. puisse avoir ces informations sans une aide quelconque !

— Évidemment que cela doit être un Métamorphe, mais ce point a été creusé par tous les Alphas, rétorque-t-il en se levant car son flegme commence à craqueler lui aussi. Tous ont missionné une de leurs Sentinelles, sans aucun résultat. Aucune Bête ne pourrait avoir accès à autant de renseignements dans tous les clans. Néanmoins, un collectif d’informateurs qui travailleraient ensemble en secret n’est pas réaliste non plus, compte tenu de la nature de nos animaux. On ne peut pas mentir à son Alpha. Ils ont tous, à un moment ou à un autre, interrogé leurs membres respectifs et s’en sont portés garants…

— Il faut neutraliser cet O.S., dis-je d’un ton déterminé. Jusqu’à il n’y a pas longtemps, il était nuisible mais là, en divulguant des données politiques quasiment en direct, il est dangereux !

— Et comment veux-tu t’y prendre, hein ? Comment comptes-tu réussir là où tous les autres ont échoué avant toi ? s’exaspère-t-il en levant les bras au ciel.

— Quand ils ont traqué cet O.S., chaque Alpha a lancé une enquête individuelle. Il faudrait que l’on coopère tous ensemble en mettant nos ressources en commun. Compte tenu de l’esprit de compétition qui anime nos Bêtes, faisons-en un challenge pour motiver les troupes. Seuls, chacun de notre côté, nous avons échoué, mais si nous collaborons…

— Tu veux rassembler tous les hackers et traqueurs de chaque clan ?

— Les hackers seulement en premier lieu, dis-je en réfléchissant intensément. Qu’ils nous donnent au moins un point de départ. Ensuite, je le trouverai moi-même ! Ça sera même ma mission prioritaire…

— En tant qu’Alpha-King, tu auras la charge de toutes les négociations avec les humains. Tu n’auras pas de temps à consacrer à une chasse !

— Si cet O.S. sabote les discussions avec ses révélations nuisibles, je ne pourrai rien négocier du tout. Nous avons dix jours avant la prochaine réunion avec les gouverneurs. D’ici là, il nous faut mettre en place une stratégie coordonnée et trouver une piste.

— Tu n’as que vingt-sept ans, Cedrik. Le plus jeune Alpha-King jamais nommé, sachant que le dernier tenant du titre remonte à avant ta naissance. Si tu annonces cet ordre du jour au Cercle ce soir lors de ton intronisation et que tu échoues dans cette mission…

— J’ai bien conscience des risques et des enjeux. Mais mon Lion est certain de le trouver !

Cela stoppe net la protestation de Malcom qui me dévisage intensément.

— La Nature t’a béni d’un lien fusionnel avec ta Bête. Seuls les Lions ont cette capacité de clairvoyance même si tu as toujours nié ton don, murmure-t-il. Ta mère faisait des rêves tandis que ton père « entendait » son animal lui parler. Si tu es sûr de toi, tu as mon soutien inconditionnel. Mais fais bien attention à quoi tu t’engages car cela aura des répercussions sur l’ensemble du clan… et de la planète.

— J’ai toujours apprécié ton aide à sa juste valeur et ne serais pas celui que je suis aujourd’hui si tu ne m’avais pas guidé ni n’avais endossé la responsabilité d’Alpha par intérim jusqu’à la semaine dernière. Tu as toute ma reconnaissance pour cela. Je sais que je peux y arriver, je le sens !

— Très bien, voyons comment nous pouvons présenter cela au Cercle alors car ce n’est vraiment pas gagné, soupire-t-il. En parallèle de ce journaliste, il faudrait profiter de la coopération pour trouver également des preuves que ce sont bien des humains qui polluent sciemment les terres Métamorphes depuis quelque temps. Cela nous permettrait peut-être de renverser la tendance vis-à-vis des gouverneurs.

— Comme toujours, tu es avisé. Parfois, je pense que tu dois avoir un renard parmi tes ancêtres…

— Je suis un Tigre ! répond Malcom d’un air faussement offusqué. Redis une chose pareille et je trouverai certainement un chat de gouttière dans les tiens !

Malgré la situation tendue, nous nous attelons à la tâche ardue le cœur plus léger, forts d’une amitié de longue date qui a pris racine dans le sang.

Mes arrière-grands-parents ont été tués lors des Purges organisées par des humains suite aux massacres des leurs par des Métamorphes. Cette période sombre a été le prélude à l’Accord Gaïa car un peu partout, les affrontements entre les deux mondes éclataient pour venger les pertes respectives. En en causant d’autres au passage. Un cercle vicieux et infernal qui conduisait à l’autodestruction ; ce qui a poussé les anciens à trouver une solution pacifique plus durable.

Malheureusement, cette paix toute relative est menacée régulièrement par des humains avides qui veulent toujours plus sans rien sacrifier eux-mêmes. Mes grands-parents et parents en ont été victimes à leur tour lors d’échauffourées qui surviennent de façon récurrente un peu partout dans le pays. Lorsque je suis devenu orphelin, c’est Malcom qui a recueilli et servi de mentor à l’adolescent plein de rage et de souffrance que j’étais.

Cependant, j’ai bien retenu les enseignements de l’histoire sanglante de ma famille : les hommes n’apprennent rien et oublient les leçons du passé. Ils occultent volontiers leurs erreurs pour les commettre à nouveau quelques décennies plus tard. Piège que je me suis juré d’éviter.

[1] Signifie « Tout savoir »